J'vous sers un vers ? #6 Paul Eluard, La terre est bleue comme une orange
Bienvenue dans la chronique littéraire de la semaine ! Vous boirez bien quelque chose ?
Aujourd'hui, le froid de l'hiver me donne des envies d'orange et de soleil...
La terre est bleue comme une orange
Jamais une erreur les mots ne mentent pas
Ils ne vous donnent plus à chanter
Au tour des baisers de s'entendre
Les fous et les amours
Elle sa bouche d'alliance
Tous les secrets tous les sourires
Et quels vêtements d'indulgence
A la croire toute nue
Les guêpes fleurissent vert
L'aube se passe autour du cou
Un collier de fenêtres
Des ailes couvrent les feuilles
Tu as toutes les joies solaires
Tout le soleil sur la terre
Sur les chemins de ta beauté
Qui est le fou qui oserait analyser, décortiquer, disséquer une telle merveille ? J'ai mille fois roulé ces vers sous mon palais et je les ai toujours trouvés d'une beauté si pure et si incompréhensible que je n'ai jamais osé y toucher. Blasphème ! Sacrilège ! Laissons-en paix les mots de Paul Eluard.
Laissons-nous porter, emporter, dans un rêve nuancé de bleu, de vert, de jaune. Au milieu de la douce mélopée des sentiments amoureux que le poète exprime pour Gala, sa muse, à la fois "elle" et "tu", admirons la courbe ronde (l'orange) de notre planète bleue. C'est un texte qui parle de soleil, de printemps, de Nature ("les guêpes fleurissent vert","feuilles","joies solaires","tout le soleil sur la terre"). Fermons les yeux, rien qu'un instant, et tâchons de ne pas en perdre une miette...
Les deux vers que je préfère sont : "L'aube se passe autour du cou / Un collier de fenêtres". J'y vois la représentation surréaliste des milliers de fenêtres de la ville éclairées par l'aube, qui s'allument une à une avec la venue du matin.
Car oui ! Eluard est un surréaliste. Poète des rêves, des sentiments, des sensations, de l'inconscient ! Et maintenant je peux vous le dire : il est également mon poète préféré.
Alors sans doute le verrez-vous souvent passer dans ces chroniques, parce que j'adore sa poésie, d'abord, mais également parce que c'est typiquement ce genre de textes que j'aime vous faire découvrir, ce genre de textes que les méthodes scolaires dénaturent et artificialisent. Je voudrais vous montrer qu'au-delà du sens, au-delà de "ce que l'auteur a voulu dire", les mots, c'est beau. Que leurs sonorités et les sensations qui s'en dégagent suffisent parfois, souvent même, à aimer la poésie.
A bientôt autour de quelques vers, et surtout : lisez sans modération !